À propos de Sombre Propos

Il m’a semblé pendant des années que chacune de mes réalisations dans le domaine de l’art tirait son sens et sa valeur d’autre chose, provisoirement inaccessible mais désigné ainsi par ricochet, autre chose qui à chaque fois promettait d’être vraiment là, juste derrière l’angle. Peu à peu, comme une forme en creux peut, sous un certain éclairage, apparaître convexe, cet être juste derrière l’angle prit consistance. Ainsi est né Sombre Propos, un travail sur les failles, les arêtes et leurs incidences sur les regards, les pensées. Il s’est trouvé qu’une fois ce programme visant l’inaccessible clairement défini, comme cela arrive souvent j’ai croisé l’inaccessible à chaque instant. Commença alors une exploration qui m’entraîna dans des disciplines aussi variées que l’histoire, l’épistémologie, les arts plastiques, la musique, la littérature, le théâtre, la théologie, exploration menée avec pour unique lanterne SOMBRE PROPOS, ce concept austère que je m’étais forgé. C’est pourquoi son obscurité est-elle peu à peu devenue pour moi éclairante, voire aveuglante.

Il y avait en lui un point de faiblesse et de distraction qu’il lui fallait mettre en rapport avec tout ce qu’il pensait et disait, sous peine de commettre ce qui lui paraissait être l’infidélité essentielle. C’est autour de ce point que tout ce qu’il avait écrit et tout ce qu’il avait eu à vivre, s’était, par une nécessité mal aperçue, disposé et orienté, comme un champ de forces capricieux et mouvant. Quel était ce point ? Il s’en était quelque fois approché. Il avait de cette approche traduit avec obstination les découvertes surprenantes. Et chaque fois il était prêt à recommencer ce mouvement : contre son gré et pourtant volontiers ; non pas volontiers : contre son gré.

Maurice Blanchot, « L’attente, l’oubli » Gallimard 1962 p 26

Non-Être et Être sortant d’un fond unique
ne se différencient que par leurs noms.
Ce fond unique s’appelle Obscurité.

Lao Tseu

Sombre Propos est une traduction possible de l’expression anglaise « dark matter » qui, dans son premier sens de « matière noire », désigne la substance invisible dont dépendrait, selon les astrophysiciens, le futur de l’univers.