Architectures du regard
La scénographie CHANT DES REGARDS POUR 14 POINTS DE VUE, réalisée pour le chorégraphe Marc Vincent, a élargi la règle d’invisibilité de Sombre Propos à des propositions dans lesquelles l’invisible n’est plus centré, mais disséminé.
CHANT DES REGARDS POUR 14 POINTS DE VUE: projet de la scénographie pour la troisième partie du triptyque « Déviance » de Marc Vincent (1997), et négatif de la skoténographie révélant le tissage des regards et des zones invisibles à l’intérieur de ce dispositif (2006).
On constate que la lumière ne se déplace pas rigoureusement en ligne droite, et que le chevauchement des faisceaux – c’est à dire des regards – modifie leur forme. Lorsqu’on dit couramment que deux regards « se croisent », on comprend qu’ils « se voient l’un l’autre », c’est à dire que l’œil de chacun fait partie du champ de vision de l’autre. Ici les regards des spectateurs ne se croisent jamais, car les failles du dispositif se faisant face sont légèrement décalées les unes par rapport aux autres. Mais ils se chevauchent ou se superposent. Lors de ces événements, a priori imperceptibles pour eux, leurs énergies semblent s’additionner pourtant, provoquant une dilatation du champ de vision de chacun. Par ailleurs, ces regards perdent d’intensité à mesure qu’ils s’éloignent de leur source et s’étalent en largeur. On les voit alors passer sous les autres, lorsque ceux-ci sont encore fins et drus. Enfin les regards opposés qui, géométriquement parlant, devraient suivre des chemins parallèles sans entrer en contact, lors de ces dilatations s’appuient mollement les uns contre les autres. Cette description du regard comme source d’énergie a trouvé une sorte de confirmation dans la perception de Marc, qui disait ne pouvoir danser s’il manquait un spectateur. Ce chant des regards était devenu pour lui un invisible filet sur lequel prendre appui.
Détail des chevauchements de regards dans CHANT DES REGARDS POUR 14 POINTS DE VUE